Retour sur le spectacle “Je suis la bête”
Retour sur le spectacle et préparation de la rencontre avec l’intellectuel
Par Tom Kaeser et Nicolas Joray, médiateurs culturels
Après avoir découvert le spectacle “Je suis la bête” au théâtre du Passage, nous avions rendez-vous avec les jeunes du Semestre de motivation (SEMO) dans leurs locaux pour réfléchir à ce que nous avions vu au théâtre et préparer la rencontre avec Wajdi Mouawad.
Première belle surprise en arrivant sur les lieux: les personnes qui encadrent les jeunes et les participant·e·s ont affiché les textes écrits lors de la préparation au spectacle. Le résultat a la forme d’une guirlande et est visible dans le couloir.
C’est une grande force de notre parcours: l’équipe d’encadrant·e·s du SEMO s’implique à fond dans le projet. En tant que médiateurs, nous ressentons leur enthousiasme et leur implication. Les travailleur·euse·s sociaux·ales du lieu s’alternent pour accompagner le parcours Tala Madani: deux personnes sont présentes à chaque fois et participent activement aux rendez-vous de préparation et de retours autour des des sorties culturelles ainsi qu’aux sorties culturelles elles-mêmes.
Une mise en scène sauvage ?
Première objectif du jour: revenir sur le spectacle vu au Passage. Pour commencer, chacun·e résume en un mot “Je suis la bête”, mis en scène et joué par Julie Delille. Résultat? “Forêt”, “bizarre”, “flippant”, “peur”, “bizarre”, “réflexion”, “surprenant”, “abstrait”, “peur”, “instinct” et “obscurité”. L’étrangeté semble ainsi déclinée sous plusieurs formes, ce qui fera écho de façon pertinente aux activités suivantes.
S’ensuit une brève introduction de la pratique de la mise en scène. D’abord un historique évoquant le passage du temps des auteur·e·s au temps des metteur·e·s en scène. L’évocation des raisons de ce basculement: l’autocensure qui fige les pratiques des auteur·e·s, l’éclosion du théâtre d’avant-garde. Ensuite, nous distinguons deux styles de mise en scène, le réalisme et la stylisation, grâce à deux figures du théâtre russe, respectivement Constantin Stanislavski (qui veut combattre l’insincérité grâce à son “revivre”) et Vsevolod Meyerhold (qui est un ennemi du réalisme et use de sa “biomécanique”).
Cette introduction permet aux participant·e·s d’avoir les outils pour embarquer dans la prochaine activité. Nous les séparons en différents groupes. À chaque groupe est attribué un élément de la mise en scène de “Je suis la bête” que le groupe doit analyser: jeu de l’actrice, lumière, univers sonore et scénographie. Grâce à des fiches à remplir, chaque groupe décrit des éléments utilisés dans une catégorie, décrit l’effet de cet élément sur le public et indique si cet élément est réaliste ou stylisé. L’activité permet de dresser une cartographie de la mise en scène du spectacle en se basant sur l’intelligence collective du groupe. Voici le résultat retranscrit dans un document.
Après avoir mis en commun les recherches de chaque groupe, nous avons demandé aux participant·e·s de se placer dans la salle sur une échelle imaginaire entre deux pôles suivants: d’un côté celles et ceux pour qui la mise en scène était extrêmement sauvage; de l’autre celles et ceux pour qui cette mise en scène n’était pas du tout sauvage. Les placements ont été différents, mais l’impression globale tendait plutôt vers la sauvagerie.
Nous avons terminé cette séquence autour de “Je suis la bête” avec une question (“Pourquoi la mise en scène était – ou non – sauvage?”) et un retour plus informel sur le spectacle. Parmi les réactions, l’évocation du rythme lent du spectacle qui a gêné certaines personnes, l’interprétation de l’univers des animaux trop bavarde pour certain·e·s alors que d’autres trouvaient que cela permettait d’entrer dans l’univers mental des animaux.
Mais qui est Wajdi ?
La question leur a été posée d’emblée. Connaissaient-ils.elles Wajdi Mouawad ? Apparemment pas.
Le reste de la matinée avait alors pour objectif de non seulement présenter la personne, son oeuvre, ses idées, mais également son rayonnement, son importance.
Wajdi Mouawad a fui la guerre, petit. De cette guerre, il tire son inspiration d’artiste. Notre présentation biographique tourne autour de la thématique, et aborde par là même différents sujets: la migration, l’identité, les frontières, la mort.
En écrivant Wajdi Mouawad dans google image, une ribambelle d’images impressionnantes apparaissent. Il semble connu. Une photo de lui se cachant le visage à côté d’Emmanuel Macron est alors projetée. Que peut-on en dire ? Et quel est cet animal tatoué sur sa main ?
La rencontre avec cet intellectuel aura lieu en deux temps : premièrement un tour de table, puis une discussion générale. Les jeunes sont invité·e·s à se présenter les un·e·s après les autres en répondant notamment aux questions suivantes, chères à l’auteur:
-D’où je viens (sans mentionner de ville, région ou pays)
-Ce que j’aime le plus faire dans la vie
-Une désillusion que j’ai vécue
-Un événement ou une personne ou une rencontre ayant changé ma vie.
-Comment je me vois à 50 ans?
Nous exposons ensuite brièvement une partie de l’oeuvre de l’artiste, notamment “Le sang des promesses”. Qu’est-ce qui lie ces oeuvres, quels sont les thématiques récurrentes ? Nous regardons alors le début d’ “Incendies”. Le décor est posé. Nous discutons de suites potentielles, sans y répondre. Enfin, nous lisons le premier chapitre d’Anima. La mort, la quête, l’identité ressurgissent. Les jeunes sont alors invité-e-s à écrire la suite de l’histoire, en se mettant dans la peau d’animaux témoignant des scènes. Il leur est également prié de mentionner au moins une rencontre et de nous expliquer en quoi cette rencontre nous en fait apprendre davantage sur le protagoniste.